Vous êtes connecté(e). Rafraichissez la page pour afficher les changements.
Conte d'Hivernel : 2019

Conte d'Hivernel : 2019

Par Asheralia il y a 12 mois dans Divers

Depuis l'avènement du Calendrier de l'Avent communautaire en 2016, non seulement vous avez la possibilité quotidienne de gagner des lots par tirage au sort, mais vous avez également un conte à découvrir tout au long de cet évènement.

Divisé en 24 parties, il a été soit écrit par Myalesca, soit par moi même Asheralia au fil des années. Seule l'édition de 2021 n'a pas eu le droit à son conte par faute de temps de nos parts. Traditionnellement, nous vous offrons l'intégralité du conte à lire à la fin du concours et, à moins d'un mois du lancement de l'édition 2023, je vous propose un rendez-vous hebdomadaire afin de redécouvrir les contes des années précédentes écrits par mes soins.

On poursuit avec celui de 2019 ! Bonne lecture à tous !

 

 

Illustration par Plume

 

Notre histoire se déroule dans les Cimefroides, c’est plus précisément à Hoelbrak qu’elle commence.

Les moqueries sur sa taille et sa faible carrure allaient bon train contre la jeune Skadï qui ne savait plus où se mettre tant elle avait honte d’être traitée ainsi par tous sans exception. La honte se transforma peu à peu en colère lorsqu’un Norn assis non loin d’elle lui lança sa bière au visage après l’avoir rabaissée dans un éclat de rire.

La jeune Norn se jeta alors sur lui et, dans une rage qu’elle ignorait possible, roua ce dernier de coups plus violents les uns que les autres jusqu’à mettre le Norn dans un état proche de la mort. C’est alors que Sigfast, fils de Knut Ours Blanc, ordonna qu’elle soit saisie et prononça une sentence à laquelle Skadï ne s’attendait pas : son bannissement de la cité d’Hoelbrak.

 

La nouvelle l’abasourdit, elle savait qu’elle n’était pas dans le coeur des siens, mais de là à être conduite à la faute pour ensuite être rejetée ainsi … non, elle ne s’y attendait pas. Skadï errait seule au centre de la cité, allant de pavillon en pavillon en espérant trouver un quelconque réconfort, mais personne ne la regarda avec un autre regard que celui du dégoût et de la haine. Sachant sa cause perdue et sans plus aucune once d’espoir, elle franchit la porte de sortie de la cité où elle était née.

Skadï se retrouva donc seule, encore une fois. Du haut de ses 17 ans, elle avait perdu ses parents plus tôt dans l’année lors d’une grande chasse dont ils n’étaient jamais revenus, piétinés par des minotaures d’après ce qu’on lui avait raconté.

 

Seule comme jamais elle ne l’avait été, Skadï devait donc se débrouiller pour ne pas mourir de froid ou de faim. C’est alors qu’elle se souvint d’une hutte abandonnée non loin d’ici, la cabane du ruisseau gelé, ses parents et elle y avaient déjà fait halte en revenant du Détroit. Elle y trouverait bien de quoi braconner. Elle se dirigea donc vers le nord en direction de la Vallée de Givrevigne en passant par le Col du Hardi. C’est alors qu’elle marchait seule dans ce petit canyon, qu’elle fut victime d’une embuscade. Skadï n’eut le temps que de comprendre qu’elle était en mauvaise posture lorsqu’un coup derrière la tête l’assomma, la faisant perdre connaissance.

 

Un balancement chaotique entrecoupé de rudes secousses extirpa peu à peu Skadï de sa torpeur, le tout accompagné d’un mal de crâne intense. Elle avait les mains enchaînées, et était nonchalamment avachie dans une sorte de cellule, ou plutôt même une cage, elle même disposée sur une charrette tirée par un dolyak. Il était inutile de se débattre ou de chercher à s’enfuir par n’importe quel moyen, elle était piégée et avait été capturée en tant que butin lucratif par des esclavagistes.

Les jours et paysages défilaient devant ses yeux : le sanctuaire de Jora, un fort ravagé par le couvregivre, d’immenses lacs, des arènes de combats etc. Puis, la neige disparut du paysage, laissant place à la verdure. Skadï ne savait pas où elle se trouvait mais elle avait quitté les Cimefroides.

 

 

Arrivés auprès d’une grande résidence, Skadï fut littéralement déchargée par les hommes l’ayant capturée et enchaînée dans la cour de la demeure où d’autres étaient déjà entravés. Tous avaient l’air abattu, les regards vides de tout espoir. Des larmes lui vinrent mais elle les retint de couler. Elle avait compris qu’elle serait vendue ici, comme une simple marchandise, à quiconque aurait de quoi débourser quelques pièces pour sa personne. Skadï n'eut pas à attendre longtemps, seulement quelques heures, avant qu'on ne vienne l'acquérir. Une femme d'une cinquantaine d'années donna 42 pièces d'or et l'emmena avec elle.

 

La femme, prénommée Chiffly, était tavernière, elle tenait une auberge avec son mari dans la Vallée de la reine : le pavillon de chasse. Skadï n'y était en soit pas mal traitée, elle travaillait dur c'est sûr mais elle n'avait jamais été violentée par ses propriétaires. Elle couchait dans une toute petite pièce guère plus grande qu'un cagibi et avait les restes de la journée comme repas avec du pain. Certes la femme lui avait savoir quelle n'avait pas intérêt à trainasser, que le client était toujours roi mais jamais une main fut levée.

Les jours et les mois s'enchaînèrent, les services aussi, sans compter l'entretien de l'auberge, tout se passait bien jusqu'à ce qu'un incident ne survienne.

 

 

Ce jour là la taverne était bondée, il était difficile de se frayer un chemin entre les clients pour assurer le service. L'alcool coulant à flots, certains clients étaient durs à supporter si bien que le patron en faisait sortir quelques uns. Mais impossible de se débarrasser de tous les fauteurs de troubles, si bien qu'alors qu'elle allait chercher une nouvelle tournée de bière, Skadï sentit un bras l'enlacer avec force et qui la fit basculer en arrière. Elle tomba sur les genoux d'un homme empestant l'alcool qui riait à gorge déployée avec deux autres comparses. Elle se débattait pour se libérer mais l'homme était plus fort qu'elle et commençait à la tripoter avec plus ou moins de décence malgré ses cris.

 

Alors vint un autre homme encapuchonné qui attrapa l'agresseur par la gorge, laissant à Skadï l'opportunité de se dégager de son emprise. Il n'eût fallu que d'une seconde ou deux à son sauveur pour planter une dague dans le gosier de l'ivrogne, le laissant choir sans vie au sol. La scène n'avait pas échappée à Chiffly qui vint comme une furie à leur niveau en vociférant. Elle n'était clairement pas contente de ce qui venait de se passer dans son établissement, mais quand elle essaya de gifler Skadï, l'assassin intercepta sa main et calma le jeu. L'aubergiste était furieuse mais l'homme quant à lui restait ostensiblement calme et emmena les deux femmes derrière le comptoir, près de la réserve.

Après un dialogue mouvementé entre la tavernière et l’individu, il fut convenu que ce dernier achetait la propriété de la jeune fille en retour des dommages causés ainsi que quelques pièces d’or supplémentaires. La transaction faite, il partit accompagné de Skadï.

 

 

Illustration par Plume

 

L’homme que Skadï suivant à l’Ouest de nommait Yvar et n’était guère plus âgé qu’elle, peut être avait-il 25 ans se disait elle. Elle apprit que ce dernier était trappeur au Sud-Ouest de la Vallée de la reine, et qu’il se trouvait au pavillon de chasse dans l’objectif de faire une halte avant de rentrer chez lui après quelques jours de braconnage : raison pour laquelle il était chargé de peaux de diverses bêtes. Skadï dut en porter elle-même une partie jusqu’à la modeste maisonnette où vivait Yvar, sur les quais des frères Ducan. Arrivés à destination et les peaux déposées sur une grosses piles d’autres peaux, Yvar lui donne de quoi manger, une sorte de soupe avec du pain, ainsi qu’une couverture pour ne pas avoir froid la nuit car cette dernière commençait justement à tomber. Il lui rappela que si jamais elle tentait de s’enfuir, il n’aurait aucun mal à la retrouver, laissant planer un certain stress chez la jeune fille qui du coup n’avait aucune envie de tenter de se sauver, et ils s’endormirent tous deux.

 

Les semaines défilaient et se ressemblaient, Yvar partaient chasser la plupart de la journée tandis que Skadï s’occupait : entretien de la maisonnette, lessivage des habits dans la rivière, préparation des repas etc. Elle avait quand même droit à du temps libre si ses tâches étaient réalisées. Les conditions de vie de la jeune femme étaient moins rudes qu’au pavillon de chasse et Yvar la traitait correctement, son statut d’esclave était le seul élément qui au final lui rappelait qu’elle n’était pas libre. Par exemple, le trappeur lui avait confectionné son propre lit pour améliorer son confort et lui avait permis d’utiliser deux des peaux déjà tannées pour se confectionner des vêtement autres que les haillons qu’elle portait. Le temps suivait son cours, simplement.

 

Un matin, Yvar vint réveiller Skadï après l’avoir laissé dormir plus tard que d’accoutumé.

De peur de ne pas s’être levée assez tôt, elle fonda instantanément en excuses auprès de son propriétaire mais ce dernier la rassura aussitôt, il n’en était rien. Une fois rassurée et après avoir englouti un petit déjeuner, Yvar lui confia que cela faisait déjà plusieurs jours qu’il pensait à sa condition d’esclave à ses côtés et qu’il ne voulait plus de tout de cela. En effet ce dernier commençait à avoir des remords de la contraindre à ce statut rabaissant et injuste. Il lui annonça par conséquent qu’il souhait lui rendre sa liberté, faire d’elle une femme libre et sans entrave et lui permettre de rentrer chez elle ou n’importe où elle le désirait. 

 

Émue et touchée par cette déclaration, Skadï était partagée entre le bonheur de se savoir libre, l’ennui d’être de nouveau seule et même encore plus seule qu’auparavant tant elle était loin de sa terre natale, et la tristesse de quitter cet homme qui l’avait si bien traitée durant les quelques semaines ou mois (elle avait perdu la notion du temps) où elle était sous sa garde.

Yvar ne comprit pas tout de suite ce mélange d’émotions chez la jeune femme et la questionna sur les motifs de ces derniers, étonné de ne pas voir de joie sur son visage. Elle lui expliqua alors comment elle avait fini esclave : sa solitude suite au décès de ses parents, le harcèlement et le rabaissement permanent des autres norn, le banquet à Hoelbrak où elle avait été bannie et enfin sa capture par des bandits l’ayant revendue par la suite comme esclave. Suite à son récit, Yvar lui proposa de rester auprès de lui, il lui apprendrait tout ce que lui savait et ferait d’elle sa partenaire. Sans une once d’hésitation : elle accepta.

 

 

Cela faisait des semaines que Skadï avait accepté de vivre d'égal à égal avec Yvar. Ce dernier la considérait d'ailleurs comme son apprentie, il lui montrait comment braconner du petit gibier et le dépecer. Ils mangeaient la viande ainsi obtenue et conservaient les peaux pour en revendre quelques une en ville, gagnant ainsi un peu d'argent pour tout ce que la nature ne leur offrait pas. Peu à peu Skadï devenait habile, Yvar était fier d'elle, fier de voir que son savoir-faire ne serait pas perdu. Quant à elle, Skadï faisait tout ce qu'elle pouvait pour qu'Yvar n'ait rien à lui reprocher, elle désirait ne plus être vue comme une enfant mais comme une femme sur qui il pouvait compter.

 

Un après midi, Yvar parti seul revendre les peaux au marché, demandant à la jeune femme de tanner celles prélevées le matin même. Le soir il ne revint pas les mains vides.

Yvar déposa un lourd sac qui, au son qu’il fit en touchant le sol, semblait fort chargé à Skadï. Curieuse elle rejoignit son compagnon qui commençait à déballer son contenu. Ainsi furent sortis deux dagues, une corde très fine, de petits morceaux de métal, des plaques d’acier, une outre de vin, une autre de rhum ainsi qu’une petite boite en bois. C’est cette dernière qui attira l’attention de la jeune femme. Cependant Yvar la dévia de ses pensées en lui annonçant qu’il était temps pour elle de passer aux choses sérieuses : il allait lui enseigner l’art des lames et celui de la chasse. L’hiver approchant, ils avaient besoin de fourrures plus épaisses, et ce n’était pas en attrapant des lapins et des petits cervidés que leur réserve allait se remplir. Heureuse de cette nouvelle, Skadï servi le repas et ils allèrent ensuite tous deux se coucher, le lendemain serait riche en apprentissages.

 

Illustration par Plume

 

Comme prévu, la journée du lendemain ainsi que les suivantes furent une ribambelle de découvertes passionnantes pour Skadï, non seulement Yvar lui enseigna le maniement d’armes telles que les dagues et l’arc, mais il lui apprit également la traque ainsi que la chasse à l’ours et au dolyak sauvage.

Plus les jours et semaines passaient, et plus Skadï progressait, leur stock de peaux et de fourrures grandissait bien lui aussi, si bien que Yvar lui dit un soir qu’ils iraient à Hoelbrak la semaine suivante afin de vendre la quasi-totalité de leur réserve. Yvar vit bien que la nouvelle assombrit le visage de Skadï, qui n’était en effet guère réjouie quant à l’idée de retourner là bas, mais il la rassura et tandis qu’il prononçait des mots bienveillants s’empara de la boîte rapportée du marché quelques jours plus tôt. Lorsque la boîte fut ouverte, Skadï découvrit avec émerveillement un authentique set de tatouage norn.

 

L’art du tatouage avait une place majeure chez les norns, c’est lors de leur 18 ans qu’habituellement ils se font tatouer, tel un rite de passage à l’âge adulte. Skadï en avait été privée par son exclusion et la distance qu’il y avait entre elle et sa terre natale. C’était un cadeau inestimable que lui offrait son ami.

Ainsi, à la lueur d’une lampe à huile, il fit de son mieux pour lui graver dans la peau les motifs qu’elle avait choisi. Quelques heures de travail plus tard, ils eurent fini et une douce chaleur de bonheur emplit le coeur de Skadï. Ce qu’elle ne savait pas c’est qu’il ne s’agissait pas du seul cadeau que Yvar comptait lui offrir.

 

En effet, la semaine s’écoula bien vite et, la veille au soir du départ pour Hoelbrak, il lui apporta un paquet contenant des habits neufs. Lorsqu’elle les déplia, Skadï comprit que Yvar venait de lui offrir une tenue complète norn qu’il avait confectionné lui-même. Les larmes de joie aux yeux, elle se jeta dans ses bras. Yvar n’était pas juste l’homme qui l’avait sauvée d’une vie de servitude, il n’était pas juste son mentor, il était devenu son ami le plus cher, sa famille.

 

 

Le jour J était arrivé. Les paquetages étaient prêts. C’est chargés comme des bêtes que Skadï et Yvar prirent la route pour Hoelbrak. Le voyage dura des jours et des jours, ils durent traverser de long en large la Vallée de la reine, les Champs de Gendarran, puis les Congères d’Antreneige ainsi que les Contreforts du voyageur. C’est d’ailleurs sur cette région qu’ils firent leur ultime halte avant de gagner Hoelbrak le lendemain. Ils établirent leur camp de fortune pour dîner et passer la nuit non loin au sud du Refuge du croisement. La nuit fut courte et le soleil pointant à peine le bout de son nez, Yvar et Skadï se remirent déjà en marche.

 

Aussitôt qu’ils reprirent la route, ils furent attaqués par surprise par un groupe de norns. Skadï reconnu tout de suite qu’il s’agissait de fils de Svanir. La lutte fut courte : alors que Skadï se battait pour sa propre vie, un cri déchira le ciel. Elle se retourna d’emblée et vit un spectacle qui lui déchira le coeur et son âme : Yvar venait d’être traversé d’une hache, lui ôtant la vie, il s’écroula au sol, son sang s’étalant sur la neige immaculée. Dans une rage de désespoir et dans les larmes, Skadï élimina tous les svanir du groupe autour d’elle, tous sauf un qui réussit à prendre la fuite. Alors, le visage ravagé par le chagrin et le sang, elle prit dans ses bras le corps sans vie de son ami.

 

Traversée de désespoir, de chagrin et de haine, Skadï était égarée dans ses pensées, elle ne savait plus quoi faire, comment réagir, elle venait de perdre la seule personne à qui elle tenait et qui comptait pour elle, son seul ami, sa seule famille. Mais les heures passant, Skadï ne pouvait rester ici … après l’avoir mis en terre, elle se promit de venger sa mort et de retrouver celui ou celle qui était responsable de ce meurtre. Elle remonta au Refuge du croisement et s’y débarrassa à prix cassés de l’ensemble du stock qu’ils transportaient. Ainsi, elle serait libre de ses mouvements.

 

La piste qu’elle suivi la mena jusqu’à un camp où de nombreux fils de svanir étaient réunis. Bien qu’elle restait à bonne distance pour ne pas être vue, elle pouvait cependant entendre leur discussions et les projets qu’ils prévoyaient d’entreprendre. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle entendit qu’ils préparaient un raid sur Hoelbrak lors d’une banquet organisé le lendemain. Ici, c’était trop risqué de s’en prendre aux assassins d’Yvar, alors elle décida d’attendre le lendemain pour passer à l’action.

 

 

Le jour d’après, après une nuit passée à la belle étoile, Skadï s’empressa de ré-approcher le camps où les fils de svanir se trouvaient la veille afin de pouvoir suivre leurs évolution. Cependant, il n’y avait plus personne, ils étaient déjà partis. La seule piste qu’elle pouvait suivre était celle d’une multitude de traces de pas menant tout droit vers la cité d’Hoelbrak. N’ayant pas vraiment pu discerner leurs visages de loin, elle n’avait pas la possibilité de les reconnaître dans la foule une fois là-bas. Elle ne se découragea pas pour autant et se dirigea à son tour vers la cité de son enfance, celle même qui l’avait bannie. Toutefois elle avait changée, elle avait grandi et personne ne la reconnaitra se disait elle. Ses tatouages, sa tenue de cuirs, de fourrures et de plaques la mêlera à la foule comme une anonyme parmi tant d’autres. C’est donc assez confiante mais avec une certaine appréhension qu’elle remit les pieds à Hoelbrak.

 

La ville était enivrée par la fête, le spectacle était magnifique : des bannières et des fanons flottaient dans les airs le vent les faisant onduler, de toute part des tables recouvertes de plats à partager, des barriques remplies de bières et des chopes dans toutes les mains de personnes riant et célébrant la joie et la bonne humeur. C’était un lendemain de grande chasse, tout était à profusion.

L’émerveillement pouvait se lire dans les yeux de Skadï, au fond d’elle, elle se sentait chez elle, là où elle aurait toujours dû être. Elle ne perdit cependant pas de vue son objectif premier, et observa la foule, cherchant quoi que ce soit qui pourrait s’avérer être suspect. Ce n’était pas chose facile, car dans la foule, tout le monde était semblable. Ils avaient évidemment prévu de s’y fondre en s’habillant comme tout le monde, c’était prévisible. Un mouvement l’interpella, comme une file de personnes se dirigeant au centre de la cité, vers l’Agora. Mieux que de les suivre du regard, Skadï entreprit de les suivre tout court.

 

A l’Agora se tenaient d’immenses tables où étaient réunies les grandes figures d’Hoelbrak : Knut Ours Blanc, le chef de la cité, sa femme Gaerta, ainsi que leurs deux fils Skarti et Sigfast. C’était même ce dernier qui l’avait bannie d’ici, le revoir lui oppressa quelque peu le coeur mais elle passa outre, elle avait autre chose à faire de bien plus important. Il y avait également de nombreux chamans venus de toutes les Cimefroides, tous étaient joyeux, la liesse de la fête les rendant insouciants du danger présent qu’elle seule semblait connaître.

Des taverniers vinrent servir plus de bière, ne laissant aucune chope vide, c’était comme si ce breuvage était à l’origine de toute cette joie, comme si elle coulait dans leurs veines à mesure que leur ivresse grandissait elle aussi. C’est alors que Skadï les repéra. Ils étaient au nombre de trois, se frayant un chemin dans la foule pour atteindre le premier rang avant les tables de la famille souveraine bien qu’il y avait un écart de quelques mètres d’espace entre la foule et les tablées.

 

 

C’est alors qu’elle vit un mouvement de la part de l’un d’entre eux qui ne trompait pas : une main sur le côté au niveau de son ceinturon cramponnait le manche d’un couteau. Soudain, le norn dégaina sa lame et la projeta droit vers Gaerta, la femme de Knut.

Le sang de Skadï ne fit qu’un tour, trop de sang avait déjà coulé et peu importe qui était visé il n’y aurait pas d’autre vie innocente volée. Elle se jeta donc vivement en avant, s’interposant entre Gaerta et le fils svanir et, d’un revers de dague elle dévia le couteau lancé. Au même moment, elle lança son autre dague vers la tête de ce dernier afin de le mettre hors d’état de nuire à quiconque d’autre.

 

Illustration par Plume

 

La scène se passa si vite que presque personne ne comprit ce qui venait de se passer sous leurs yeux, si bien que Sigfast ordonna à ses hommes de s'emparer de la jeune fille qui semblait être à l’origine de cette attaque. Skadï se débattait, elle n’avait rien fait de mal, ses larmes lui montaient aux yeux avec le souvenir de son bannissement en tête, elle revivait le même cauchemar, elle qui venait juste de sauver la femme la plus importante de Hoelbrak. Mais cette dernière s’interposa justement.

Gaerta somma ses hommes de relâcher la jeune femme. Sous une incompréhension presque générale, elle avait bien vu qu’elle avait été visée par une attaque meurtrière et que sans cette jeune femme, elle aurait très bien pu ne pas passer plus de temps en vie sur cette terre. Elle expliqua donc ce qui venait de se dérouler devant les yeux de tous, Skadï quant à elle ne savait plus où se mettre, intimidée par le fait que Gaerta fasse d’elle une héroïne. Cette dernière lui demanda alors son nom car son visage lui semblait familier.

Je m’appelle Skadï madame, Skadï Ingvard.” lui répondit timidement Skadï.

 

Au moment où elle prononça son nom, les deux fils se levèrent brusquement et l’accusèrent d’être une traître qui avait été bannie, qu’elle n’avait rien à faire ici, que c’était un affront. Gaerta leva la voix sur ses fils, abasourdie par ce qu’elle entendait de leurs bouches. Elle n’en revenait pas de voir autant de haine, venant de son propre sang, dirigée vers la femme qui venait de lui sauver la vie. Ni Skadï ni Gaerta ne su s’il s’agissait d’une punition envers Sigfast et Skarti ou d’un véritable témoignage de gratitude et d’affection, mais la femme de Knut Ours Blanc prit la main de la jeune femme et se rapprocha tout près d’elle, elle lui dit des paroles sincères.

 

Je ne sais quelle idée est passée dans la tête de mes fils, mais jamais tu n’aurais dû être exclue des tiens, tes parents faisaient même partie des meilleurs chasseurs que nous avions. Jamais ne je pourrai effacer les blessures que tu as subi ni les cicatrices dans ton coeur, mais je t’offre si tu le souhaites une place dans mon logis, j’aimerais que tu te sentes à nouveau chez toi. Tu es à Hoelbrak, tu es chez toi. Ton geste m’a sauvé la vie, jamais je ne pourrais l’oublier, jamais, tu entends ?

Gaerta avait parlé doucement, ces mots n’étaient adressés qu’à Skadï et à personne d’autre, puis plus fort elle continua.

Cette jeune norn m’a sauvé la vie ! Elle que vous avez méprisée autrefois, elle que vous avez moquée et tourmentée, elle a eu un geste plus héroïque que n’importe qui ici ! Pour cette raison, j’exige que plus personne ne l’importune comme vous avez pu le faire par le passé, Skadï Ingvard est l’une des nôtres ! Et si elle l’accepte, j’aimerais la considérer comme ma propre enfant.

 

En entendant ces mots, Skadï se jeta dans les bras de Gaerta et la serra fort, des larmes de joie coulaient sur ses joues et elle consenta évidemment à la proposition qui venait de lui être faite. Elle, qui n’était rien d’autre que la petite norn frêle, avait beau en avoir bavé jusqu’ici, mais ce jour était celui où son coeur ne connaîtrait plus le froid de la solitude.

 

 

Dans ce monde, il y a toujours des mains tendues plus ou moins généreuses qui sont là pour aider n’importe qui en ayant besoin à se relever. Il ne faut jamais abandonner, il ne faut jamais oublier qui on est et d’où l’on vient. La violence face à la différence n’apporte rien de bon, mais il ne faut pas la laisser détruire qui nous sommes. Soyez bienveillants, chacun est la lumière du coeur de quelqu’un d’autre.

 

Vous devez vous connecter ou vous inscrire pour écrire un commentaire.